'' LOFT STORY ''

''' Je me coupe, je me '' magane '' le corps avec tout ce qui me passe sous la main : aiguille, vitre, rasoir. Je le fais encore, je ne peux pas me contrôler ''. Un cri du coeur, choquant, froid, insoutenable, soufflé d'une voix monotone, presqu'un murmure ...

C'est celui de Katy... Elle n'a que 18 ans !

Sur sa jambe, elle a gravé le mot ''dead''. Un tatouage macabre, signé à la lame de rasoir. ''C'est pire sur le reste de mon corps. Tu ne veux pas voir ça ? ''.

   Elle hésite avant de raconter une jeune vie de souffrance, la sienne... à quelqu'un qu'elle ne connaît pas.

Son parcours en dents de scie l'a amenée ici, aux résidences Paul-Pau , une ressource externe de l'Hôpital Louis H. Lafontaine, destinée uniquement aux jeunes.

   Katy y partage un toit avec sept colocataires agés de 16 à 20 ans, tous lourdement hypothéqués par des problèmes de santé mental. Ces jeunes pensionnaires ont tiré le mauvais  numéro.  Ils ont enduré toutes sortes d'abus, ont grandi dans des  familles dysfonctionnelles et ont écumé les centres jeunesse...

Et à leur âge, la liste des problèmes n'a pas fini de s'allonger. Ce sont des cibles faciles pour les gangs de rue. Ils peuvent facilement basculer dans la taxicomanie et la prostitution. La majorité d'entre-eux ont des troubles de personnalité limite, des '' borderline '' . Les cas les plus lourds s'automutilent. 

   Passions dévorantes, ruptures déchirantes, rivalités, triangles amoureux : les intervenants ont parfois l'impression de faire partie de l'émission de téléréalité '' Loft Story ''... mais ici, il n'y a ni caméra, ni gros lot a gagner. Tout au plus une chance de partir en appartement. Autonome... Pour ces jeunes, c'est le gros lot !

Mais pour Katy, qui a commencé à faire des crises d'automutilation à l'âge de 13 ans, comme pour Mélanie qui a elle aussi ses problèmes personnels : trouble de personnalité limite, tendance à entrer en relation intime avec des inconnus, ainsi que des tendances à la victimisation, cette chance leurs semble bien mince...

   Et que dire de Joshua qui souffre du syndrome de Gilles de la Tourette, secoué de tics nerveux, passe ses journées a jouer aux jeux vidéo. Il y a Charles, qui lui, passe la journée enfermé dans sa chambre et vient de se faire montrer la porte. Il avait la détestable habitude de balancer sa vaisselle sale par la fenêtre !

Nous avons revu Lise Boies, la responsable de cette jeune ressource d'hébergement qui a ouvert ses portes en 2006, quelques semaines après notre passage à Paul-Pau. Nous lui avons demandé des nouvelles des jeunes locataires.

  Katy a encore tenté de se suicider. Mélanie s'est fait abuser de nouveau par son père, une récidive après 14 ans. De concert avec les intervenants, la jeune a entrepris une dénonciation à la police. Justin est parti en appartement avec d'autres jeunes. Katy  va parfois le visiter.

Quand à Charles, il a finalement été hospitalisé, puis son père l'a repris chez lui. Mais une place lui est toujours réservé à Paul-Pau.

  Malgré toute cette vaisselle jetée par la fenêtre... 

Fricot